Liber qui dicitur Angelus de Garnier de Rochefort
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Troyes, M.G.T., ms. 392. Paris, v. 1200-1220

Le Liber qui dicitur Angelus est un glossaire de termes bibliques, proposant pour chaque terme une ou plusieurs interprétations appuyées sur les expositiones patristiques. L’ouvrage, organisé par ordre alphabétique, se divise en 23 livres correspondant chacun à une lettre de l’alphabet. Le premier terme expliqué, Angelus, donne son titre à l’ouvrage. Le Catalogue de 1472 place le Liber qui dicitur Angelus en tête des instruments de travail du prédicateur, ce qui peut être une indication sur l’usage qui en était fait

Garnier de Rochefort, l’auteur probable de cet ouvrage, fut abbé de Clairvaux en 1186 puis évêque de Langres en 1193. En 1198, il résigna sa fonction et se retira à Clairvaux où il vivait encore en 1216. Aux alentours de cette date, il offrit à l’abbaye de Clairvaux le ms. 392 et le ms. 32, comme en attestent les ex-dono analogues figurant à la fin de ces deux volumes. Ouvrage extrêmement luxueux, le ms. 392 fut enluminé à Paris, v. 1200-1220, par un des artistes qui collaborèrent à la réalisation des premières Bibles moralisées. Il comptait à l’origine 23 lettrines historiées ouvrant chaque livre. Compte tenu de la nature de l’ouvrage, chaque lettrine correspondait à une lettre différente. Cette illustration a été cruellement mutilée, seules subsistant les enluminures des quatre derniers livres, V, X, Y et Z, et celles des lettres I et O.

Chacune de ces six lettrines comporte une illustration en lien avec le premier terme du livre illustré. Elles sont assimilables à des iconophores. Trois se réfèrent à des épisodes bibliques : la conversion de saint Paul (?) (Vas [electionis]), l’expulsion des marchands du Temple (Zelus) et la résurrection de Lazare par le Christ (Xristus). Dans le dernier cas, l’illustration correspond exactement au début du texte correspondant : « Le Christ frémit, pleura et cria lors de la résurrection de Lazare ». De même, la lettrine Y (Yades, les docteurs) illustre précisément le texte : « le Seigneur a établi son Église et à sa tête il a placé des martyrs et des docteurs spirituels ». La barre du Y sépare la lettrine en deux registres, l’un où est représentée une scène de martyre, l’autre où figurent deux moines penchés chacun sur un livre.

Les deux dernières lettrines illustrent des scènes de la vie monastique : le jeûne (Jejunium) est illustré par deux moines, vêtus d’une ample coule, plongés dans l’affliction et, dans un autre registre, deux moines (les mêmes ?) attablés pour un repas maigre. L’obéissance (Obedientia) est d’une interprétation plus délicate : trois moines sont représentés munis de faucilles, l’un d’eux est en train de moissonner, les deux autres sont tournés vers un quatrième moine qui sonne la fin du travail. La lettrine illustrerait un passage du texte selon lequel l’obéissance requiert la promptitude. À la différence des autres enluminures, les moines portent une tunique recouverte d’un scapulaire retenu par une ceinture.

Pierre Gandil