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Bible de saint Bernard

Troyes, M.G.T., ms. 458. Chartres, v. 1145-1150

La longue amitié entre le comte de Champagne Thibaud II et Bernard de Clairvaux a commencé après la mort accidentelle de la sœur de Thibaud en 1121, une perte qui a transformé cet homme de guerre en « convers » de l’Église, fort généreux envers tous les ordres religieux et les nécessiteux. Si Bernard a souvent sollicité la bonté du comte, il l’a récompensé par un soutien sans faille, notamment au début des années 1140, lorsqu’il œuvrait à résoudre le conflit entre Louis VII et le comte qui se termina par le siège et l’incendie de Vitry (1142-1143). C’est à l’issue de cette guerre que le comte commande à Chartres deux Bibles, une pour lui-même (M.G.T., ms. 2391) et une seconde pour saint Bernard. C’est un moment exceptionnel dans l’histoire de l’enluminure chartraine. D’autres chefs-d’œuvre réalisés au même moment et parfois par les mêmes artisans sont une Bible pour la nouvelle église de Saint-Denis construite par l’abbé Suger (BnF, ms. lat. 55 et ms. lat. 116), l’Heptateuchon de Thierry de Chartres (Bibl. mun. Chartres, ms. 497 et ms. 498) et un manuscrit de Vies de saints (Bibl. mun. Chartres, ms. 500), connu seulement par les anciennes photographies avant l’identification récente par Claudia Rabel de quelques fragments, sévèrement brulés, à la Bibliothèque municipale de Chartres. En même temps et en employant l’un des artisans travaillant à la Bible de Bernard, le fils du roi Louis VII, Henri de France, se fait faire à Chartres plusieurs manuscrits glosés qu’il présente à Clairvaux lors de sa conversion en 1146 (manuscrit 511).

Les deux Bibles, du comte et de saint Bernard

Les deux Bibles, du comte et de saint Bernard, ont plusieurs particularités en commun : le Psautier est dans la version hébraïque, les interprétations des noms hébraïques de saint Jérôme sont compilées et ordonnées par livre biblique (Steg. RB 3305 Inc. : Philo virdissertissimusiudeorum) et regroupées à la fin de chaque volume legende bloc=1 image=1], et les initiales historiées introduisant les épîtres de saint Paul racontent la vie du saint (le cycle est très abrégé dans la Bible de saint Bernard).

Lorsque la Bible de saint Bernard est arrivée à Clairvaux, une page de titre a été ajoutée au fol. 1v du premier volume. L’initiale I filigranée est typiquement claravallienne par sa forme (les ornements sur la terminaison), mais le décor filiforme est le plus ancien connu à Clairvaux et reflète la découverte par l’artiste de ce genre de décor, qu’il trouve dans le manuscrit. Par mégarde, et peut-être dans la hâte de réaliser de la commande, on a oublié le Livre de Job. Aux environs de 1160, un copiste claravallien a transcrit le Livre de Job (fol. 49-58v) ; ses initiales reprennent les styles en vogue à l’abbaye à l’époque. Le second volume s’ouvrait à l’origine sur les deux livres des Chroniques, suivis du Psautier ; au XIIIe siècle, le nouveau Livre de Job figurait au début du volume, comme indique la table de contenu à la fin du volume (fol. 235).

Patricia Stirnemann