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Importance matérielle de la bibliothèque de Clairvaux

Tant les catalogues que les collections de la bibliothèque qui subsistent permettent une approche assez précise de l’évolution du nombre de documents.

Moyen Âge

En 1115, Clairvaux semble n’avoir bénéficié que d’une modeste dotation en livres : la Règle de saint Benoît et les manuscrits liturgiques indispensables à la célébration de la messe et de la prière des heures, moins d’une dizaine de manuscrits au total, qui n’ont laissé aucune trace. À la fin du XIIe siècle, la bibliothèque ne compte pas moins de 350 volumes, ce qui la classe, en peu de temps, parmi les plus grandes bibliothèques de l’Occident : Cluny, la plus riche, compte 570 volumes et de vieilles bibliothèques bénédictines comme Corbie et Saint-Amand, entre 350 et 400 volumes. Au sein de l’ordre cistercien, Cîteaux et Pontigny, qui comptent respectivement 200 et 270 volumes, sont loin derrière.
L’accroissement de la collection se poursuit à un rythme rapide. Le seuil des 1000 volumes est probablement atteint dans la première moitié du XIVe siècle. L’inventaire de 1472 recense 1745 volumes, dont 383 manuscrits liturgiques. Ce nombre est probablement sous-évalué, certains manuscrits n’ayant pas été inventoriés. Seules des bibliothèques exceptionnellement riches, comme celle du collège de Sorbonne, la dépassent. À cette même date, Cîteaux compte 1 200 volumes1.

Époque moderne

Passé 1472, les collections s’enrichissent plus rapidement encore, de manuscrits et d’imprimés. En 1520, la bibliothèque doit compter près de 3 600 volumes, imprimés et manuscrits, un chiffre en partie hypothétique2.
Lors des confiscations révolutionnaires, 31 252 volumes imprimés sont recensés et catalogués. Ceux-ci correspondent, pour 20 000 à 23 000 volumes, à la bibliothèque des Bouhier, la très riche bibliothèque constituée par une famille de collectionneurs dijonnais et acquise en 1783 par Clairvaux pour une somme de 135 000 francs ; pour 7 000 à 10 000 volumes, à l’ancienne bibliothèque abbatiale, telle qu’elle avait été développée jusqu’en 1782. Une étude statistique menée sur l’inventaire révolutionnaire révèle que 50% des imprimés de la bibliothèque abbatiale ont été publiés avant 1600, 45% entre 1600 et 1700 et à peine 5% au XVIIIe siècle. Ce chiffre suggère que les enrichissements ralentissent et ne portent pas sur des ouvrages modernes.
Les chiffres donnés par les envoyés de la Révolution pour les manuscrits sont moins fiables. Ils estiment à 1500 volumes les manuscrits de la bibliothèque abbatiale. Si nous admettons ce chiffre, cela signifie que les collections de manuscrits se sont appauvries au cours de la période moderne, ce qui n’a rien d’invraisemblable, certaines disparitions étant avérées au cours de cette période. Quant au nombre de manuscrits des Bouhier, s’il n’est malheureusement pas mentionné, il doit être compris entre 500 et 1000 volumes.

Époque contemporaine

La Révolution a été clémente pour les manuscrits de Clairvaux : la bibliothèque municipale de Troyes, à qui furent confiées en 1795 les collections confisquées, conserve en 1845 1250 volumes. La Bibliothèque nationale et la Bibliothèque de l’École de Médecine de Montpellier, bénéficiaires de prélèvements opérés en 1804, conservent respectivement 16 et 72 volumes. Enfin, huit volumes vraisemblablement volés par Libri à Troyes et à Montpellier sont conservés à la bibliothèque Laurentienne à Florence. D’autres bibliothèques européennes conservent une trentaine de manuscrits identifiés à ce jour, qui pour l’essentiel avaient quitté Clairvaux avant la Révolution3.
Le sort des imprimés de Clairvaux est moins enviable. À ce jour environ 350 volumes ont été identifiés. Si de nombreux volumes provenant de Clairvaux restent à identifier dans les rayonnages des bibliothèques de Troyes, de la Bibliothèque de l’École de Médecine de Montpellier et de la Bibliothèque nationale, il est certain que bon nombre d’entre eux ont été victimes des ventes de livres en double, abîmés ou dépareillés réalisées en 1806, 1809 et 1824 par la bibliothèque de Troyes4.

Références

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  1. Cf. [Les manuscrits de Clairvaux, 2006], p. 34.
  2. Jean-François Genest estime ce chiffre à 3 180 volumes recensés dans les différents catalogues, auxquels il faut ajouter les livres liturgiques, au nombre de 383 en 1472, et quelques manuscrits qui subsistent mais n’ont été recensés dans aucun catalogue. Cf. [Les manuscrits de Clairvaux, 2006], p. 34
  3. C’est notamment le cas du département de l’Arsenal de la Bibliothèque nationale de France. Les 9 manuscrits de Clairvaux qu’elle conserve sont tous sortis de l’abbaye au XVIIIe siècle au plus tard.
  4. Le manuscrit Médiathèque du Grand Troyes, ms. 2896 (1-11) rassemble plusieurs pièces d’archives relatives à ces ventes. Celle de 1809 concernait 4875 volumes et celle de 1824, 4000. Selon une annotation manuscrite d’un bibliothécaire, 15 000 à 16 000 volumes ont alors été vendus.