Enluminures
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Les manuscrits de Clairvaux présentent principalement deux grands ensembles d’enluminures :

  • Les enluminures des manuscrits copiés à Clairvaux au XIIe siècle1. Elles constituent un corpus particulièrement riche.
  • Des enluminures réalisées dans les ateliers parisiens de copie de manuscrits proches de l’université pendant les XIIIe et XIVe siècles.

En outre, la bibliothèque possédait de nombreux manuscrits enluminés de diverses provenances. Parmi ceux-ci, deux ensembles modestes se détachent, les enluminures chartraines et champenoises du XIIe siècle et et les enluminures italiennes des XIIIe-XIV siècles.

Les plus anciens manuscrits copiés à Clairvaux présentent des enluminures certes sobres, mais qui ne tranchent pas avec les modèles cisterciens antérieurs : des lettrines peintes en rouge, jaune, vert et bleu ; des motifs végétaux et monstrueux ; quelques rares lettrines historiées.

Le style monochrome s’impose à Clairvaux dans le deuxième quart du XIIe siècle. Dans son Apologie à Guillaume de Saint-Thierry, composée dans les années 1120, saint Bernard critique le luxe dans l’ornementation des églises, et tout particulièrement les figures grotesques, monstrueuses, susceptibles de détourner les moines de leur prière. Les propos de saint Bernard ont fortement influencé l’architecture cistercienne, mais ils ont aussi inspiré, d’abord à Clairvaux, un nouveau style d’enluminure, monochrome, dépourvu d’or et de figures animales ou humaines. La sobriété n’empêche pas la beauté : les enluminures de la Grande Bible de Clairvaux, traitées en camaïeu, sont des chefs d’œuvre de l’art roman cistercien.  

Ce style s’épanouit pendant environ un demi-siècle. Il influence l’ensemble de l’ordre cistercien. Les statuts de l’ordre, confirmés en 1152 par le pape Eugène III, du vivant de saint Bernard, donnent à ce style valeur de modèle. Pourtant, dès la fin du XIIe siècle les enluminures réalisées à Clairvaux s’écartent de ce canon : l’or reparaît, ainsi que la polychromie.

Les manuscrits copiés hors de Clairvaux présentent quelques enluminures particulièrement remarquables. Le prince Henri amène à Clairvaux une douzaine de manuscrits, dont 5 enluminés à Chartres, où se déploie toute la richesse de l’enluminure romane : somptueuses polychromies, avec entrelacs, figures animales et monstrueuses, usage de l’or pour rehausser les compositions. Le même atelier a produit une Bible en deux volumes qui fut offerte par Thibaud de Champagne à saint Bernard, sans doute vers 1145.  

La bibliothèque de Clairvaux conserve également plusieurs témoins de l’enluminure troyenne des XIIe-XIIIe siècles. Dans les années 1170-1180, un peintre mosan réalise à Troyes des enluminures et des vitraux. Très remarquée, son œuvre inspire le style dit de Manérius, qui se déploie en Champagne pendant un demi-siècle. Ce peintre est l’auteur des enluminures d’un psautier glosé claravallien de cette époque. Deux manuscrits légèrement postérieurs de l’Histoire scolastique de Pierre le Mangeur présentent des enluminures marquées par le style de Manérius. 

Passé le XIIe siècle, les manuscrits proviennent essentiellement des ateliers parisiens. Les lettrines gothiques se chargent de filigranes de plus en plus développés, qui se déploient dans les marges. Les lettrines les plus importantes sont prolongées par des bordures, fréquemment animées de scènes à caractère humoristique rassemblant chevaliers, moutons, chiens, lapins … Ils cèdent la place, au XVe siècle, à des vignes stylisées puis à des décors plus réalistes composés de plantes, de fleurs et de fruits.

La marque du gothique est très visible dans les architectures et dans les personnages aux corps blancs et aux drapés très travaillés. De nouvelles couleurs apparaissent. Si les lettrines les plus simples sont systématiquement bleues et rouges, les lettrines de taille intermédiaire mêlent généralement le bleu foncé, le rose et l’or.

Le manuscrit le plus remarquable de cette période est assurément l’exemplaire de Clairvaux de l’Histoire scolastique en français. Ce texte, traduit à la fin du XIIIe siècle, est copié et enluminé de manière intensive à Paris dans les premières décennies du XIVe siècle. L’exemplaire claravallien ne présente pas moins de 141 enluminures historiées. Elles illustrent des passages de la Bible tel que la Création, le meurtre d’Abel par Caïn, le Déluge, Job sur son fumier, les exploits de Samson, etc.

À côté des manuscrits parisiens, les textes juridiques proviennent principalement d’ateliers de Bologne. Les enluminures bolognaises présentent des scènes d’une grande élégance. Elles diffèrent des productions parisiennes contemporaines par leur palette de couleurs, plus en demi-teintes ; mais aussi par la représentation des visages, par les costumes et par les drapés.

 

Références

  1. 1.  Malgré l’importance du corpus et son intérêt historique, il n’a fait l’objet d’aucune étude systématique.