Reliures
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De nombreux manuscrits copiés à Clairvaux au XIIe siècle ont conservé leur reliure d’origine : il s’agit de reliures monastiques, à caractère strictement utilitaire et non esthétique.

Elles sont composées d’épais ais de bois recouverts de cuir blanc. Le traitement de ce cuir le fait ressembler à du parchemin. Des boulons aux quatre coins de chaque plat ainsi qu’un ombilic au centre de l’ouvrage assurent la protection de l’ouvrage contre les frottements et contre le contact direct avec le bois, parfois humide, des armoires et des pupitres. Les manuscrits sont maintenus fermés très serrés par des fermoirs : ceux-ci empêchent la pénétration de poussière dans le volume. Certains manuscrits ont également été munis de chaînes pour éviter qu’ils ne soient volés. Ces éléments métalliques ont presque tous été supprimés au XVIIIe siècle, ne laissant que des traces de métal oxydé et des trous de clous.

Cette reliure est parfois elle-même recouverte d’une liseuse, une peau cousue par-dessus la reliure. Certains manuscrits de Clairvaux ont conservé ces peaux non arasées de sanglier ou de cervidé, sur lesquelles quelques poils subsistent.    

Certains manuscrits de luxe copiés au XIIe ou au XIIIe siècle présentent des reliures d’une nature assez différente. Leurs ais de bois sont couverts de cuir brun ou beige orné de nombreux motifs. On y retrouve les traces des mêmes boulons, ombilics et fermoirs que sur les reliures monastiques, mais de taille réduite, de manière à empiéter le moins possible sur le décor.

Ce décor est composé de motifs géométriques – lignes droites ou parfois courbes – et de figures humaines, animales ou monstrueuses, imprimées dans le cuir au moyen de petits fers chauffés. Les figures représentées correspondent au bestiaire roman, qui se retrouve également dans les enluminures et sur les chapiteaux : cerfs, centaures, sirènes, etc.    

D’importantes opérations de reliure ont été menées autour de 1500 : restaurations de manuscrits anciens et reliure de manuscrits récents et d’imprimés. Un important ensemble de reliures peut être associé au nom de Gui de Troyes. Cet artisan a daté et signé certaines de ses réalisations. Les reliures qu’il a exécutées rejoignent la simplicité des reliures monastiques du XIIe siècle : blanches et dépourvues de décors, elles se singularisent pourtant par des dos aux nerfs très marqués, rehaussés par un motif d’entrelacs manifestement imprimé à l’aide de cordelettes. Parmi les manuscrits de Clairvaux subsistant, 12 présentent une reliure signée de Gui de Troyes.

Les autres ouvrages reliés à cette époque présentent des reliures proches des reliures romanes, caractérisées par un cuir plus ou moins clair, recouvert de motifs imprimés au moyen de petits fers. Certaines sont l’œuvre d’un relieur troyen nommé Macé Panthoul. On remarque dans le vocabulaire iconographique de ces reliures des représentations de saint Bernard en prière devant la Vierge.

Les reliures romanes qui subsistent de l’abbaye de Clairvaux constituent la plus importante collection de cette nature : 8 sont conservées à Troyes et 2 à Montpellier. La plupart recouvrent les manuscrits amenés à Clairvaux par le prince Henri. 

Toutes les reliures des manuscrits de Clairvaux ont été modifiées au cours du XVIIIe siècle. Cela tient certainement au passage d’un rangement horizontal sur des étagères ou des pupitres à un rangement vertical sur des rayonnages. Dans cette dernière disposition, les ouvrages sont serrés les uns contre les autres et tout élément métallique est susceptible d’abîmer les volumes voisins. Incidemment, le changement de position impliquait d’indiquer le contenu des ouvrages sur le dos et non plus sur le plat.

Les moines de Clairvaux semblent avoir procédé de la manière la plus économique possible. Beaucoup de manuscrits – vraisemblablement ceux présentant une reliure en bon état – se sont simplement vus dépouillés de leurs éléments métalliques et ont reçu une étiquette en papier ou une pièce de titre en cuir sur le dos. Les autres manuscrits ont reçu une demi-reliure très sobre, en basane et carton. 

Au cours des XIXe et XXe siècles, certaines reliures ont été restaurées et munies de reliures en toile, à dos en parchemin. Ces reliures ne respectent pas les critères contemporains de la restauration, elles utilisent des matériaux qui se conservent mal et les dos ont tendance à se déchirer. Cependant, ces interventions ont été menées de manière à conserver un maximum d’éléments anciens. Les toiles recouvrent parfois les anciens ais de bois ; des cuirs estampés de la reliure d’origine ont été collés par-dessus la toile. Les anciennes étiquettes ont également été conservées à l’intérieur du volume.